Je m'appelle Gatinhã do preto corasão. Gatinhã pour mes amis. J'ai quinze ans aujourd'hui !
Avant l'aube naissante, Gatinhã m'a réveillée par un ronronnement ponctué de gloussements courts et aigüs pour me dire : "Allez réveille toi !" . J'ai eu beau faire
la sourde oreille, rabattre la couette sur ma tête et l'envoyer promener par des "oh laisse moi tranquille" par moyen de la dissuader. A chaque fois que je tirais la couette vers le haut, très
habilement, elle la rabaissait avec sa patte et gloussait de plus en plus fort. Comme je l'ignorais, elle cessa de ronronner et ses gloussements se muèrent en miaulements impératifs.
Plus moyen de me rendormir, aussi je me lève, me dirige vers la cuisine pour lui redonner des croquettes, surprise !, son écuelle est au quart pleine et l'assiette
de "bonbons" (du saumon frais que j'achète et que je fais cuire "au court bouillon" nature exprès pour elle) est vide, en râlant un peu je me fais un café. En attendant que le café passe, je
bâille debout devant la machine à café, hébétée de fatigue, les yeux fixés dans le vide, pieds nus, serrant ma robe de chambre dans le petit matin frais. Gatinhã s'est assise près de moi bien
décidée à me rappeler son souvenir en posant sa patte sur mon gros orteil, d'un coup, elle me saute dessus, je la rattrappe de justesse avant qu'elle ne me plante ses griffes acérées sur mon
épaule. Elle pousse de sa tête mon bras pour la loger sous mon aisselle, se ramasse sur elle-même se blotissant dans mes bras. Je sens son coeur qui bat la chamade, je croise son regard
interrogateur et anxieux, là je comprends qu'elle vient d'avoir une crise d'anxiété qu"elle avait du faire pendant que je dormais.
Je la rassure en la caressant tout en lui donnant d'une voix douce des "Oh ma chatoune, c'est pour ça que tu m'as réveillée ?" , des "excuse moi j'était pas bien
réveillée" tout en la portant dans un bras, son corps plaque contre ma poitrine, j'ai saisi de la main libre ma tasse de café et me dirige vers le salon.Là j'ai allumé le lecteur de CD, mis de la
musique classique en sourdine, je m'assois dans mon fauteuil et continue de la caresser, à lui dire des "je suis là, la la la, ça va aller ma poucinette, la la la". Blottie
contre moi, elle se calme, Je sens et j'entends son doux ronronnement, dans son regard redenu serein, je lis l'apaisement. Nous restons longtemps ainsi, hors du
temps, appréciant ce moment bonheur serein, je sirote mon café froid et n'ose allumer une cigarette, de peur de la déranger.
Gatinhã est très agée, elle a eu 15 ans aujourd'hui, ce qui fait, pour l'équivalance, 77 ans pour l'âge d'un être humain. Sans doute perd-t-elle ses repères
et dans l'appartement silencieux, pendant mon sommeil, face à sa solitude elle fait de l'anxiété.
Tout d'un coup, je réalise vraiment qu'elle est très agée, alors j'envisage la perspéctive qu'un jour elle partira, que j'aurai beaucoup de peine et alors je
serai vraiment seule. Il me vient à l'esprit cette question de société que se posent, peut-être, toutes les personnes qui ont choisi de vivre seules avec un animal de compagnie : "Est ce que moi
aussi, quand je serai très agée, je me réveillerai avant l'aube, et face à ma solitude, ressentirai je cette anxiété ?
Gatinhã à un mois