Ce matin j'ai rencontré ma voisine de pallier, Manuela, une jeune femme seule avec son fils de 9 ans qui se démène pour éduquer son enfant et vivre tous les deux décemment. Nous avons papoté des nouvelles de notre quartier, histoire de prendre la température des initiatives de ses habitants pour mieux s'entraider.
Un papotage de femmes pas si superficiel car nous n'avons pas parlé " chiffons " , elle m'a appris qu'un comité Sel'idaire du SEL Service d'Echange Local avait été créé dans le quartier voisin; elle m'a expliqué le principe et m'a donné l'adresse et celui du site général Sel'idaire internet.
http://selidaire.org/spip/sommaire.php3
je vous en parle parce que c'est un bon moyen de ne pas céder à la sur consommation, d'être solidaire en échangeant toutes sortes de services et de produits, de créer des liens sociaux puis des groupes d'entraide, une initiative militante tout à fait dans l'esprit de la décroissance soutenable.
Qu'est ce que le SEL ?
Un système d'échange local (ou SEL) est un système d'échange de produits ou de services construit à côté du système monétaire classique. Classé généralement dans l'économie sociale et solidaire, il s'appuie dans une large mesure sur les bases de l'économie de marché mais revue puisqu'elle est sans monnaie, sans les taux d'intérêts, sans la spéculation et sans l'épargne . C'est un système basé sur le troc.
Les SEL sont des associations déclarées ou de fait à but non lucratif, qui permettent à leurs membres de procéder à des échanges de biens, de services et de savoirs, sans avoir recours à la monnaie gouvernementale.
L'historique du SEL
Le premier SEL (LETS en anglais, pour Local Exchange Trading System) a été fondé au Canada, dans les années 1980. Michael Linton, écossais, qui vivait sur l'île de Vancouver, voulait ainsi aider les habitants de cette région touchée par le chômage. Il a donc proposé de créer un système basé sur le troc, dans une grande communauté, à l'aide d'une monnaie locale, le green dollar.
L'expérience fut plutôt positive, malgré les réticences de certains éléments clés de la région. Elle a duré cinq ans, avant de s'arrêter, suite à des problèmes internes de bureaucratie trop lourde et manquant de transparence, ce qui a amené une perte de confiance des adhérents. Une vingtaine de systèmes semblables avaient cependant été lancés un peu partout en Amérique du Nord entre-temps.
En 1995, partant de ce triste constat de François Terris (un décroissant qui s'ignorait) :
« Les richesses des 350 habitants les plus riches de la terre est égale à la « richesse » (ou la misère ?) des deux milliards trois cents millions des habitants les plus pauvres. Le système monétaire archaïque et périmé continue à régner en faisant des ravages dans l’humanité et nos télescopes sont si puissants que nous ne pourrons plus voir ce qui se passe ici, chez nous. »
Il fonde le premier SEL moderne de France en 1995, en Ariège. En 1996, Strasbourg était l'une des premières grandes villes de France à voir naître un SEL. Dix ans après, il y a près de 300 SEL dans 96 départements, de tailles plus ou moins modestes (de deux à quelques centaines de membres) suivant les régions, qui permettent à plus de 20 000 personnes de procéder à des échanges.
On en trouve aussi en Australie, au Japon ou en Amérique latine et bien sûr dans d'autres pays d'Europe: Belgique, Suisse etc... et même en Afrique.
Système d'échanges locaux au départ, des réseaux plus vastes se tissent entre "selistes" et il existe aujourd'hui des réseaux interSEL, des routes du SEL, des stages de SEL.
Une autre approche des SEL est en expérimentation à Abbeville dans la Somme est basée sur la réinsertion Il s'agit d'œuvrer à la réinsertion des publics marginalisés par la société. C'est inverser la sortie du capitalisme puisque tout est axé sur une démarche mimétique vis-à-vis des règles sociales et économiques existantes. Pour ces SEL, le travail informel est aussi un outil de maintien et de développement des compétences, ceci en vue d'une valorisation monétaire sur le marché du travail.
Organisations d'un SEL
Un SEL est une structure associative déclarée ou libre qui permet aux adhérents de pratiquer des échanges multilatéraux valorisés en monnaie fictive et autonome, une unité de mesure souvent basée sur le temps passé, aux noms variés (grain de SEL, cacahuète, truffes, bouchons, noix de coco, clous, …), et des échanges libres (plus souvent de services que de biens). La monnaie du SEL peut suivre des règles complexes et très différentes des règles courantes (monnaie non capitalisable, etc.).
Il est donc possible à tous les membres du système d'échanger des services au travers de cette nouvelle économie. Une personne pourra ainsi être créditée de 100 grains de SEL en gardant des enfants pendant une soirée avant d'aller les dépenser ailleurs en cours de guitare par exemple. La valeur d'un service est généralement dictée en fonction du temps qu'il nécessite. Il n'y aura ainsi pas de différence entre une heure de cours de maths et une heure de jardinage.
Pour en savoir plus, des livres sur le SEL :
David Mandin " Les systèmes d'échange locaux " (2009)
Philippe Derudder "Rendre la création monétaire à la société civile " 2005
Carlo Jelmini (fondateur en Suisse romande) "La crise, créatrice d'énergie. L'exemple des réseaux d'échanges"
François Terris, Paul Ariès, Serge Latouche etc, ouvrage collectif "Objectif décroissance, vers une société viable" 2003
Et hop !... encore un bon moyen de résister ! Elle est pas belle la vie ?!
Merci à Michael Linton inventeur du concept et à François Terris fondateur du premier SEL français.
Résister, c'est créer, Créer c'est résister.
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