Le dernier rapport de la Commission de Bruxelle (en anglais) link, commandé par le vice-président de la Commission, Jacques Barrot,
représentant l'un des Etats européens les plus répressifs, la France "Rapport sur les marchés mondiaux des drogues illicites (1998-2007) " mené par Peter Reuter constate
l'échec total de dix ans de stratégies répressives.
Une synthèse du rapport en français link
Bref, la guerre à la drogue est non seulement inutile et coûteuse, mais en plus, elle favorise la corruption, la grande criminalité et la prise de risques sanitaires par les usagers. Devant la
presse
link , le Pr Reuter a ainsi résumé sa pensée : « La majorité des dommages observés proviennent des politiques menées, plutôt que des drogues elles-mêmes.
»
Dans notre pays, depuis "l'appel du 18 joint" link manifeste signé par plusieurs personalités connues dont à
l'époque, notre futur ministre des affaires étrangères et le futur président de la ligue des droits de l'homme ainsi que des médecins,des intellectuels et des artistes et paru dans le
journal Libération, les gouvernements succéssifs n'ont jamais proposé un débat officiel telle qu'une commission parlementaire. Au début de la campagne présidentielle de 2007
plusieurs partis politiques, le PS, les Verts, le NPA avient pris positions en faveur d'une légalisation réglementée.En octobre 2009 Daniel Vaillant député-maire socialiste du
XVIIIe arrondissement de Paris (je cite : "Ne faudrait-il pas prendre le pari de légaliser la consommation personnelle de cannabis à travers un contrôle de la production et de
l'importation, comme c'est le cas avec l'alcool?"), soutenu par Najat Belkacem, secrétaire national du PS aux questions de société (je cite :
"Réglementer sa production, sa vente et sa consommation permettrait sans doute de contrôler un peu mieux la situation") soulèvent la question du débat link.
Aujourd'hui, la polémique reste tout aussi vive. Schématiquement, le cannabis sépare les seniors, plutôt contre (encore que…), des jeunes, plutôt pour. Produit d'importation (même si ce n'est
plus tout à fait vrai), il est communément opposé à l'un des plus beaux fleurons de notre terroir : le vin. Dès lors, la comparaison des vertus et des vices respectifs des deux substances devient
inévitable : laquelle « choisir » ? Laquelle réprouver ? En particulier lors de la conduite d'un véhicule ? Prendre position sur ces questions c'est s'attirer, à coup sûr, beaucoup d'acrimonie,
et ce quelle que soit la réponse apportée ; c'est dire la complexité du problème…
Effectivement, la question essentielle est de savoir si le cannabis est dangereux. Bien sûr, il est irrationnel de vouloir, à tout prix, diaboliser le produit, mais prétendre l'inverse sans
arguments objectifs, n'est pas non plus recevable.La jeunesse de France n'est pas partie à la dérive mais l'usage du produit s'est banalisé. Il ne faut pas surestimer l'importance de l'économie
souterraine qu'engendre le commerce du cannabis, mais celle-ci existe bel et bien. Le cannabis n'est pas le mal absolu mais sa consommation comporte des risques, notamment chez les très jeunes
(13-21 ans).
Législation :
L'usage de cannabis en France est passible d'un an d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende. Depuis 1999, des mesures alternatives existent, comme des travaux d'intérêt général, la suspension
du permis de conduire ou la réalisation d'un stage de sensibilisation aux dangers des stupéfiants.
Le prosélytisme public est puni de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. (OFTD Infractions pénales et sanctions encourues au titre de l'usage et du trafic de
stupéfiants en france page n°3) link
Le cannabis c'est quoi
?
Je me suis rendu sur le site de l'OFTD link .En résumé, pour bien vous expliquer, en espérant de ne pas être trop
didactique, je vais vous faire des petits cours d'histoire, de botanique, de chimie molléculaire et de médecine clinique. Il serait dommage de pas lire ce passage pour pouvoir en
faire un débat éclairé.
Carte d’identité :
Le terme latin cannabis, dérivé du grec kannabis, partage avec ses homologues arabe, hébreu ou celte une racine commune assyrienne quanabu. Il s’agit en effet d’une des plantes
parmi les plus anciennement connues par l’homme.Originaire d’Asie centrale elle aurait été diffusée au gré des migrations humaines vers l’Orient et l’Occident. Les premiers témoignages de
son utilisation médicinale, retrouvés en Chine, datent d’environ 5 000 ans avant notre ère.
La plante le chanvre :
Le cannabis appartient à la famille des Cannabinacées. iIl existe trois espèces de cannabis, Cannabis indica (ou chanvre
indien), Cannabis sativa (ou chanvre fibreux) et Cannabis ruderalis, la plupart des botanistes contemporains s’accordent
sur l’existence d’une seule espèce, Cannabis sativa, qui présente elle-même plus d’une centaine de variétés. Les deux principales formes en sont le chanvre « textile » ou fibreux
(Cannabis sativa sativa) répandu en climats tempérés où il est cultivé pour ses fibres et pour ses graines oléagineuses (chènevis) et le chanvre indien ou type « drogue » (Cannabis sativa
indica) cultivé pour sa production de « résine » riche en principes actifs psychotropes. Celui-ci pousse de façon endémique dans les zones tropicales ou subtropicales.
Un composé psychotrope : le Δ9-THC
Le cannabis contient plusieurs centaines de composés différents, dont certains sont des constituants communs des plantes. Sa spécificité tient à la présence des cannabinoïdes, substances
spécifiques du cannabis et responsables de ses effets psychotropes. Ils sont essentiellement présents dans la résine, mais également dans les feuilles. Parmi la soixantaine
de cannabinoïdes recensés à ce jour, le delta-9-transtétrahydrocannabinol (Δ9-THC) est le principal responsable des effets psychoactifs du cannabis chez l’homme.
Il est classé comme stupéfiant.
L’acide Δ9-tétrahydrocannabinolique, inactif est transformé en Δ9-THC lors de la combustion, est en fait présent en plus grande quantité dans la plante.D’autres
cannabinoïdes présenteraient des propriétés peut-être à l’origine de certaines utilisations thérapeutiques, traditionnelles ou non.
Les produits consommés
:
Le cannabis peut être consommé sous plusieurs formes :
L’herbe (marijuana) est un mélange séché de sommités fleuries pouvant contenir aussi en proportions variables, des feuilles, des tiges et des graines, fumée pure sous forme de
cigarette (joint) ou en tisane.
La résine de cannabis (ou haschich) est obtenue au Maroc et en Afghanistan en tamisant ou en séparant les sommités florales séchées (plus ou moins mélangées aux feuilles) de
façon artisanale ou industrielle, comprimées ensuite sous forme de barrettes, pains, savons… Cette résine est fumée soit pure dans une petite pipe ou mélangée à du tabac en joint. Elle peut être
aussi consommée sous forme de gateau, pizza..
L’huile de cannabis, est un liquide brun vert à noirâtre, obtenu à partir de l’herbe ou du haschish par extraction de la résine par de l’alcool à 90°. Consommée en gateau, pizza,
joint.Réputée particulièrement riche en THC, son usage est peu répandu en Europe.
Les effets cliniques :
Les effets neuropsychiques du cannabis fumé apparaissent environ 15 min après inhalation chez un consommateur occasionnel, un peu plus tard chez un usager régulier.Le retour d’un effet longtemps
après l’épisode de consommation (flash-back) est un phénomène rare.Une prise du cannabis entraîne une euphorie en général modérée et un sentiment de bien-être suivis d’une somnolence, dans de
rare cas et selon les sujets prédisposés peut provoqué une anxiété sévère mais aussi un affaiblissement de la mémoire à court terme (mémoire dite « de travail ») et des troubles de
l’attention.Cette ivresse cannabique peut être associée, en fonction de la dose, de la tolérance développée par l’usager et de sa sensibilité,à une altération des performances psychomotrices
découlant de troubles de l’attention et de la coordination motrice.
Sur le plan somatique, une prise de cannabis provoque une accélération du débit et de la fréquence cardiaque et une dilatation des vaisseaux sanguins périphériques(yeux rouges) pouvant
entraîner une hypotension en position debout.Une augmentation de l’appétit est également constaté parmi les effets les plus fréquents. Au plan pulmonaire, si l’inhalation du cannabis provoque
dans un premier temps (1 h environ) une dilatation bronchique, elle est ensuite à l’origine de réactions inflammatoires entraînant une toux.L’amplitude de ces manifestations décroît, à dose
équivalente,avec la régularité de l’usage.
Consommation des drogues en France :
Estimation du nombre de consommateurs de cannabis en France
métropolitaine parmi les 12-75 ans :
Expérimentateurs | dont actuels | dont réguliers | dont quotidien |
12,4 M | 3,9 M | 1,2 M | 550 000 |
- Expérimentateurs : personnes ayant déclaré avoir consommé au moins une fois au cours de leur vie
- Actuels : consommateurs dans l’année
- Réguliers : au moins 10 consommations de cannabis dans le mois
Source OFDT link
Estimation du nombre de consommateurs de substances psychoactives en France métropolitaine parmi les 12-75 ans en 2005 :
Alcool | Tabac | Médic. Psych. | Cannabis | Héroïne | Cocaïne | Ecstazy | |
Expérimentateurs | 42,5 M | 34,8 M | 15,1 M | 12,4 M | 350 000 | 1,1 M | 900 000 |
dont actuels | 39,4M | 14,9 M | 8,7 M | 3,9 M | // | 250 000 | 200 000 |
dont réguliers | 9,7 M | 11,8 M | // | 1,2 M | // | // | // |
dont quotidien | 6,4 M | 11,8 M | 2,1 M | 550 000 | // | // | // |
// : non disponible
- Expérimentation : au moins un usage au cours de la vie (cet indicateur
sert principalement à mesurer la diffusion d'un produit dans la population)
- Usage actuel
: au moins un usage dans l'année (pour le tabac, il s'agit des personnes déclarant fumer ne serait-ce que de temps en temps)
- Usage régulier : au moins trois consommations d'alcool dans la semaine, tabagisme quotidien, usage de somnifères ou de
tranquillisants dans la semaine, 10 consommations de cannabis dans le mois
NB : le nombre
d'individus de 12-75 ans en 2005 est d'environ 46 millions.
Sources : ESCAPAD 2003, OFDT ;
ESPAD 2003, Inserm/OFDT/MJENR ; Baromètre Santé 2005, INPES, exploitation OFDT.link
Les compteurs de la prohibition :
Pour l'année 2009 c'est plus de 32 millions d'euros consacré à la lutte contre le cannabis, plus de 7 milles usagers arrêtés, 623 revendeurs arrêtés,
702 condamnations, plus de quatre tonnes de cannabis saisies... voir link
Consommation chez les adolescents :
Un quart des adolescents de 17 ans (20 % des filles et 30 % des garçons) déclarent avoir consommé du cannabis au cours du dernier mois voir
OFDT link ces consommations ayant principalement lieu
le week-end. Il existe également un lien entre fréquence et intensité de l’usage : si 24 % des jeunes usagers au cours du mois révèlent avoir fuméquotidiens.au moins trois joints la dernière
fois, ils sont 71 % parmi les usagers... Son expérimentation progresse rapidement entre 12 et 18 ans. Elle offre des similitudes avec celle du tabac tout en se situant à des niveaux de fréquence inférieurs. Très
faible entre 12 et 13 ans, elle s’intensifie nettement à partir de 14 ans [2]. Elle concerne aujourd’hui 42 % des jeunes de 17 ans contre 46 % en 2000. Toutefois un examen plus précis comparant
2005 et 2008 fait apparaître une baisse du niveau d'expérimentation aussi bien chez les filles que chez les garçons.
Le questionnaire Cannabis Abuse Screening Test (CAST) permet de compléter sommairement la description des contextes d’usage en montrant que l’usage avant midi et l’usage en solitaire sont très répandus parmi les jeunes ayant déjà fumé du cannabis au cours de leur vie (respectivement six et quatre sur dix disent avoir déjà fumé dans ces circonstances), surtout parmi ceux qui déclarent fumer souvent du cannabis. Il permet aussi pour la première fois de fournir une estimation de la proportion de jeunes de 17-18 ans présentant des signes d’usages problématiques. Une telle caractéristique serait actuellement partagée par 9 % des filles et 18 % des garçons. Selon le CAST, 14 % des jeunes de 17-18 ans présenteraient ainsi des signes suggérant un risque élevé d’usage problématique, tandis que 6 % seraient engagés dans une consommation présentant un risque plus modéré de dériver vers un usage problématique voir OFDT link
Devant ce constat d'echec de la lutte contre la drogue et en particulier le cannabis et les statistiques d'usagers adolescents, de jeunes adultes et adultes, la question se pose :
Faut il une dépénalisation encadrée de l'usage du cannnabis comme aux Pays Bas où en passant la consommation de cannabis est la plus basse d'Europe ? voir ORDT link (Aux Pays-Bas, 5,4% des adultes ont fumé l’année dernière du haschich, pour une moyenne européenne de 6,8%. En France, Espagne et Tchéquie ce taux est plus élevé et c’est l’Italie qui détient le record de fumeurs de joints : près de 15 % des Italiens ont fumé l’année dernière au moins un joint.)
Sera t il un moyen d'empêcher son usage aux très jeunes et aux mineurs ?
Sera t il un moyen de contrecarrer une économie souterraine qui, au même titre que l'alcool et le tabac pourraient rapporter gros en taxes pour l'état ? (En France, le cannabis a rapporté pour 2009 plus de 852 millions d'euros de bénéfices)