A l'occasion des journées "SidAction", je remets en lignes cet article déjà paru en février 2009 par devoir de mémoire et pour la génération actuelle qui n'est pas informée de ce drame qui n'apparaîtra jamais dans les programmes de l'Education Nationale.
Péambule
Ce billet est en chantier depuis longtemps, j'ai dû faire de très longues recherches sur internet et surtout à
la Bibliothèque Nationale, lire et prendre des notes d'une dizaines de livres, de journeaux parlant du sujet à cette époque. Bref une rétrospective faite à partir de sources sûres pour vous
relater les faits, les dates, les chiffres dans leur chronologie. J'en ferai les renvois qui seront spécifiés sous forme de liens ou de titre de livres pour le paragraphe : les causes
de la contamination des hémophyles et des transfusés.
Prologue
Si je tiens à revenir sur ce sujet c'est pour rendre
hommage aux personnes hémophiles, transfusées et à leurs familles, sacrifiées sur l'autel d'un secret d'Etat, la course folle à la mise au point en retard du test français "Elisa" sous la
pression du lobby industriel Sanofi Diagnostics Pasteur, filiale de l'Institut Pasteur contre le test "Abott" déjà pret à être commercialisé.
Ces personnes sacrifiées par négligence du Ministère de la Santé qui n'a pas su écouter les alertes de l'Inspection générale des
affaires sanitaires et sociales qui auraient permis d'empêcher la contaminations des hémophiles par la prise d'une décision rapide pour le chauffage des produits sanguins issus du don. Ces
personnes sacrifiées aussi pour les intérêts du CNTS (centre national de transfusion sanguine) qui a écoulé des lots contaminés et a tardé à chauffer les produits à cause du manque à gagner et
aussi à cause d'une pratique française et archaïque, la collecte de sang dans les prisons.
Je veux aussi informer les jeunes générations sur ce drame indescriptible pour les milliers de victimes et de leurs familles,
mais dont l'enquête ne retiendra que 7 victimes décédées. Je veux faire connaître ce psychodrame politique et social soldé par une parodie de justice qui s'est passée hors de la
présence des parties civiles et même de leurs avocats, inadmissible dans une république démocratique. Cette justice rendue le 9 mars 1999 par la Cour de Justice de la République qui déclare non
constitués, à la charge de Laurent Fabius et de Georgina Dufoix, les délits qui leur sont reprochés, d'atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité physique des personnes. Par contre
Edmond Hervé (ancien secrétaire d'État à la Santé) a été condamné pour manquement à une obligation de sécurité ou de prudence, mais dispensé de peine au motif qu'il avait été « soumis, avant
jugement, à des appréciations souvent excessives ».
Quant à l'issue du procès pénal devant le tribunal correctionnel de Paris, le 23 octobre 1992 la cour rend sa décision : le
Docteur Garetta, ancien directeur du Centre de transfusion sanguine est condamné à quatre ans d'emprisonnement mais n'en fera que 2 ans . Le docteur Jean-Pierre Alain est condamné à 4 ans dont
deux avec sursis. Le Professeur Jacques Roux, ancien directeur de la santé à 4 ans avec sursis, le docteur Netter, ancien directeur du Laboratoire National de la Santé est relaxé.
Les dernières procédures se sont terminées le 18 juin 2003 par un non-lieu général confirmé par la Cour de Cassation pour les
conseillers ministériels et médecins poursuivis depuis 1994, et le 6 novembre 2003 avec un dernier non-lieu de la commission d'instruction de la CJR en faveur de l'ancien ministre de la Santé,
Claude Evin, mis en examen en mai 1999 pour homicide involontaire.
Je mesure et je prends toute la responsabilité de mes écrits et de mes affirmations.
Contexte historique les faits
En 1981.Le sida (syndrome d'immunodéficience acquise) apparaît aux USA en 1981.
En 1983, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recense 267 cas de sida dans les pays
membres de la CEE (UE).La France arrive en tête de ce triste palmarès avec 92 cas.L'infection est transmise par un rétrovirus découvert en janvier 1983 par l'équipe du Pr Montagnier de l'institut
Pasteur sur un ganglion cervical d'un rétrovirus qui sera appelé Lav.cf Mirko D. Grmek, histoire du sida origine et pandémie actuelle, paru chez Plon 1989.
Courant janvier 1983 Le Pr Luc Montagnier avait averti L. Fabius, alors ministre de l'industrie, qu'il avait
deux enfants hémophiles dans son service, atteint du sida, et nécessite 2 Mf de subvention pour réaliser des tests et faire une étude.
Octobre 1983 le Pr Montagnier émet l'hypothèse que le rétrovirus du sida est sensible à la chaleur.
Dès 1984 le Centre de contrôle des maladies d'Atlanta reconnaissait l'efficacité du chauffage
des produits sanguins.
En mars 1984 Le Dr Jean-Baptiste Brunet informe le directeur général de la santé et le secrétaire d'état E.
Hervé par le biais du conseiller Weisselberg.
En avril 1984 Etablissement du lien entre le Lav et le sida par l'équipe Montagnier.
En avril 1984 refus par les milieux politiques et scientifique du dépistage systématique du
sida.
En octobre 1984 confirmation de l'hypothèse de Montagnier sur le rétrovirus du sida, par des
tests, et recommandation du chauffage des produits sanguins. Cette mesure est appliquée à l'étranger.
Le 22 novembre 1984 les tribunaux et le conseil d'état retienne la faute de l'état. Le rapport
du Dr Brunet indiquait que pour désactiver le virus du sida il suffisait de chauffer les produits. On sait à cette époque que la circulaire du Pr Roux est mal appliquée.
Décembre 1984 publication par le Dr Pinon d'une étude sur les malades de Cochin, qui nous
apprend que la contamination peut atteindre 50 cas par semaine.
Début janvier 1985 le chauffage des produits commence au CNTS de Lille.
Décembre 1984 publication par le Dr Pinon d'une étude sur les malades de Cochin, qui nous
apprend que la contamination peut atteindre 50 cas par semaine.
Le 12 mars 1985 le Dr Jean Claude Brunet à partir d'analyse de sang à l'hôpital Cochin de Paris
sonne l'alerte, et affirme qu'il est probable que tous les lots soient contaminés.
En avril 1985 le Congrès d'Atlanta fait le point sur le chauffage des produit. Discour du
Secrétaire d'Etat à la santé des USA qui déclare que le sida est une catastrophe.
le 9 mai 1985, réunion interministériel à Matignon présidé par François Gros (ex-président de
Pasteur), conseiller de L. Fabius. Demande par le cabinet du ministre de retarder au Laboratoire National de la Santé, l'enregistrement du test Abott. L. Fabius affirme qu'il n'a pas été informé
de la gravité et de l'urgence de la situation. Louis Schweitzer était alors son directeur de cabinet.
Le 22mai 1985 Congrès d'hématologie de Bordeux,pas d'annonce de dépistage. Il existait 2
discours d'E. Hervé l'un parlait du dépistage obligatoire, celui qui a été lu n'en parlait pas. Son conseiller Weisselberg déclara que Matignon avait interdit d'évoquer ce dépistage obligatoire,
mais L. Fabius répond qu'il n'était pas au courant. L'étude du Dr Pinon a été dévoilé à ce congrès.
Le 19juin 1985 L. Fabius annonce le dépistage obligatoire et systématique sur les produits
sanguins.
23juillet 1985 Publication des arrêtés d'application pour instaurer le dépistage obligatoire
pour le 01/08.Mais cet arrêté autorise le remboursement de lots en circulation et qui peuvent être contaminés, jusqu'au 1/10/1985.
Début mars 1988 Dépôt des premières plaintes pour des produits sanguins infectés.
En juin 1992 Comparution du Dr Garetta, directeur du CNTS, et de Jean-Pierre Alain,
ex-directeur général de la santé, André Roux et Robert Netter.
En décembre 1992 Le parlement décide de mettre en accusation L. Fabius, G. Dufoix et E.
Hervé
Le 23 novembre 1993 Création de la cour de justice de la république qui remplace la haute cour
de justice, dont le but est de juger les délits des ministres.
En février 1994 Installation de la haute cour de justice.
En septembre 1994 Mise en examen des 3 ministres pour complicité d'empoisonnement.
Le 11 juin 1998 Un réquisitoire de non lieu contre les ministres est rendu par le procureur
François Burgelin.
Le 2 juillet 1998 la Cour de cassation rejette le chef d'inculpation des ministres pour
empoisennement car il faut une intention manifeste de tuer, ce qu'elle juge inpensable et le transforme en homicide involontaire.
Le 17 juillet 1998 Renvoi des ministres devant la cour de justice pour atteinte volontaires à
l'intégrité des personnes et homicides involontaires.
Le 9 mars 1999 issu du "procès" rendu de décision de la Cour de Justice de la Répblique dont je
vous ai parlé dans le prologue, les ministre sont innocentés.
Les causes de la contamination des hémophyles et des transfusés
:
1/La collecte de sang dans les prisons :
La mauvaise pratique spécifique à la France de la collecte de sang en établissement pénitenciaire qui se poursuiva
malgré la circulaire du Pr Roux jusqu'au 22 août 1991 sous le ministère de Jacques Chirac.*Jean Sanitas Michel Limousin, Le sang et le sida, *cf 1 :
Le Figaro/M. Sanitas et M. Moulin/Rapport Lucas dévoilé
Le 20 Juin 1983, une circulaire du professeur Jacques Roux, directeur général de la Santé, interdisait la
collecte de sang chez les sujets à risque, et notamment en prison ; malgré cela, le 13 Janvier 1984, une circulaire de Myriam Ezratty, directrice générale de
l'Administration pénitentiaire, demandait aux directeurs régionaux et aux directeurs des centres pénitentiaires d'augmenter la fréquence des prélèvements de sang dans les établissements
pénitentiaires, jusque là limités à deux fois par an. *cf 2 et cf 2bis : Mme Y. Lambert Chargée de rapport d'indemnisation des victimes aux
assurances de Lyon. cf 2bis : Référence de Mme Lambert
2/Refus d'importation de sang sain et refus du chauffage :
1984 la France refuse d'importer du sang de l'étranger (en particulier des États-Unis), invoquant la raison que
le sang américain vient des pays pauvres dans lesquels le don de sang est une source de revenu, alors que la doctrine française est le bénévolat. * cf
3
En juillet 1984 refus par le Dr Garetta du CNTS de la proposition de technique de chauffage du laboratoire
Immuno., invoquant le fait que cela altère le facteur VIII du sang destiné aux hémophyles. *cf 3
L'ampleur du drame n'est connue qu'en août 1986 avec la publication d'un rapport du Centre national de transfusion sanguine qui
affirme qu'un hémophile sur deux a été contaminé, soit près de 2 000 personnes. Les « retards à l'allumage » entre la fin de l'année 1984 et la fin de l'année 1985 pour les produits
chauffés, et entre juillet et la fin de l'année 1985 pour les tests de dépistage, représentent sans doute quelques centaines de personnes transfusées (hémophiles ou non) sur les 2 000 ; ce sont
ces contaminations-là qui auraient pu être évitées. Le point le plus scandaleux de l'affaire est qu'un certain nombre de points ont été négligés pour des raisons financières et
commerciales. *cf 3
3/Blocage et retard d'homologation du test du laboratoire américain Abott :
Le 8 janvier 1985 le laboratoire américain Abott dépose auprès
du Laboratoire National de la Santé une demande d'enregistrement de son test de dépistage "Western-Blot", à ce moment Sanofi Diagnostics Pasteur, filiale de l'Institut Pasteur est loin d'avoir
mis au point le sien le test "Elisa". Le LNS laisse traîner 1 mois avant de répondre.L'enregistrement du test Abott fût accordé le 23 juillet 1985, près de 7 mois plus tard pendant
lesquels les receveurs de transfusion étaient contaminés par le virus au rythme de cent à deux cents par mois, selon les estimations de l'Institut National de Veille Sanitaire. Bref 7
mois de décisions administratives, d'attermoiement par lettre et réunions entre les différents décideurs, le conseiller de M. Fabius, M. François Gros qui suit l'épidémie,Claude Weisselberg,
conseillé du Secrétaire d'Etat à la Santé, M Hervé, Jean Baptiste Brunet, Directeur générale de la santé, Jean Weber PDG de Diagnostics Pasteur, pour retarder l'homologation du test Abott et
permettre la finalisation du test Sanofi Diagnostics-Pasteur.* cf 4
4/Distibution aux hémophyles des stocks de produits sanguins contaminés :
Pendant ce temps Le 29 mai 1985, huit personnes, médecins pour la plupart, réunies au
CNTS sous la présidence du directeur général, le Docteur Michel Garretta, décidaient que les stocks de produits sanguins d'une valeur de 34MF contaminés seraient distribuées jusqu'au 1er octobre
1985.*cf 5
23 juillet 1985 arrêté, applicable au 1er août, du Premier Ministre M Fabius de l'obligation pour tous les
centres de transfusion de tester le sang.*cf 5bis
Renvois :
cf1: Le Figaro/Jean Sanitas Michel Moulin/Michel Lucas http://books.google.fr/books?id=8RTDi2r8Z_AC&pg=PA113&lpg=PA113&dq=\#PPA112,
cf2:http://memoireonline.free.fr/12/05/26/m_sante-publique-milieu-carceral4.html .cf: Yvonne Lambert-Faivre Pr à l'université Lyon III Directrice honoraire des
assurance de Lyon, rapport indemnisation des victimes post-transfusionnelles du sida-
cf2bis : IGAS(inspection générale des affaire sociales) M. Lucas rapport d'enquête sur les collectes de sang en milieu carcéral, Le Monde, 8 et 9 nov 1992.-*3 J.Y.
Nau et F. Nouchi, Contamination le sang des prison, Le Monde,11,12,13 avr 1992
cf3: http://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_du_sang_contamin%C3%A9
cf4: http://books.google.fr/books?id=8RTDi2r8Z_AC&pg=PA215&lpg=PA215&dq=Lib%C3%A9ration+Bernard+Seytre&source=bl&ots=OA3DcDq6sY&sig=eFRf1lbAcb0XymZ5RPPLfOI89xU&hl=fr&ei=kTihSd2fLdnHjAfaktDGCw&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result
cf : Rapport Lucas de l'IGAS septembre 1991.
cf4: http://books.google.fr/books?id=8RTDi2r8Z_AC&pg=PA215&lpg=PA215&dq=Lib%C3%A9ration+Bernard+Seytre&source=bl&ots=OA3DcDq6sY&sig=eFRf1lbAcb0XymZ5RPPLfOI89xU&hl=fr&ei=kTihSd2fLdnHjAfaktDGCw&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result
cf : Rapport Lucas de l'IGAS septembre 1991.
cf5 et 5bis: http://fr.wikipedia.org/wiki/Anne-Marie_Casteret Anne-Marie Casteret L'Express, 4 décembre 1987"La
tragédie des hémophyles" - l"Evènnement du Jeudi janvier1991, "L'affaire du sang contaminé"
Le triste bilan sanitaire :
Rien de plus clair qu'un tableau énoncant le nombre de victimes décédées et survivantes :
Ce tableau est extrait du rapport d'indemnisation des victimes post-transfusionnelles du sida :
Hier, aujourd'hui et demain de Mme Yvonne Lambaert-Faivre (Directeur honoraire des assurances de Lyon et Pr à l'université Lyon III). vous voyez que le nombre de victimes total, ayant demandé l'indemnisation, est de 3177. Cette liste n'est pas exaustive car soit les victimes n'étaient pas au courant de leur séropositivité, soit elles n'étaient pas au courant de ce droit (moi-même j'ai été au courant de ma contamination après la 3ème intervention sur ma hanche en 1991).
Mon avocate de l'époque et avocate de l'association des transfusés et hémophyles, Maître Aline Boyer m'a dit que le nombre était à peu prés de 7500 victimes dont plus la moitié décédées. Les chiffres officiels 1500 hémophyles emportés dans la première vague car plusieurs fois transfusés, 800 transfusés dans la seconde vague Etant donnée la volonté des organismes officiels de cacher le nombre réels de morts du sida.
Je ne peux m'empêcher de pleurer en vous écrivant...
J'aimerais modérer mes paroles mais je ne peux pas sinon ce serait encore "tuer" une troisième fois ces pauvres gens. La première fois lors de leur sida avéré, la deuxième fois lors des parodies de procès.En leur mémoire et au nom de leurs familles brisées de douleur, au non des survivants qui ont vu leur vie bouleversée par cette contamination transfusionnelle. Pour moi c'est un génocide il n'y a pas d'autre terme. Ce scandale restera un deshonneur pour la France, pays des Droits de l'homme.
Aujourd'hui jeudi 26 février 2009, Je tiens à notifier que je viens d'apporter des précisions qui me paraissaient importantes dans le déroulement chronologique du contexte historique (¶mars 1984 à janvier 1985 et 19 jiun 1985 et 23 juillet 1985) et dans les causes de la contamination (¶2/ refus d'importation et refus de chauffage.
Si
je m'accroche à la vie c'est pour ma famille qui me soutient mais c'est aussi pour le travail de mémoire à
l'instar de la Shoa pour les générations d'aujourd'hui auxquelles le collège, le lycée, les universités n'enseignent pas cette partie sombre de l'histoire de la
France.
Si voulez en savoir plus les sites qui en parlent :
http://www.lexpress.fr/informations/lettre-ouverte-aux-esprits-faux_632741.html
http://mortenstock.chez.com/ le site de Gérard Mauvillain
http://www.larecherche.fr/content/recherche/article?id=21783
http://www.dentist-dentiste.com/accueil.html
Je persite et signe Marie-Paule Fratani, survivante
de l'affaire du sang contaminé.
Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire ; c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées. Jean Jaurès